A l’origine …

Reconnaissance …

Ma renaissance.

Cette histoire m’a fait comprendre que pour moi ce n’est pas la carrière qui compte, mais les hommes qui me permettent d’accéder à la façon dont je peux la mener …

On se souvient toujours de son tout premier jour de travail, sa première entreprise, l’excitation de savoir que c’est vous que l’on a choisie, l’idée de recevoir un vrai salaire, un vrai SMIC … Cette première journée est en quelque sorte celle où tout se joue. Pour moi ce fut celle où je fis la rencontre des deux personnes qui, par des styles radicalement opposés, me construisirent professionnellement pour la vie. J’avais 21 ans.

Cette première expérience, longue de 8 ans, s’est déroulée au sein d’une organisation d’une cinquantaine de personnes qui produisaient pour l’aéronautique des pièces détachées de haute technologie ainsi que des appareils de laboratoire. Conçus par un bureau d’étude interne, et le plus souvent réalisés en toutes petites séries, voire prototypes, pour des applications très spécifiques dans un marché de niche. Il était nécessaire d’ouvrir le marché.

J’avais été recrutée en tant qu’assistante d’un directeur Export pressenti pour organiser la promotion d’une gamme de matériels destinés à l’étranger. Ce dernier n’ayant pas produit les résultats attendus, il fut remercié au bout d’un an.

Mais pas moi ! Michel, Le PDG, qui jusque-là n’avait pas d’assistante, me proposa tout de suite de travailler à ses côtés. L’affaire fut bouclée en une demi-minute. J’étais ravie car cet homme était doté d’un extraordinaire charisme et surtout d’un idéal d’organisation qui plaçait les hommes au cœur de la performance. Ce monsieur a été, est encore, pour les conseils que je continue à lui demander, mon Pygmalion. Il a été le premier à me présenter comme « sa collaboratrice », ce qui était rare à l’époque lorsque l’on évoquait son assistante.

Nous avons travaillé main dans la main, partageant victoires et revers, travaillant le dimanche lorsque c’était nécessaire. Nous allions ensemble aux Etats-Unis, au Canada, en Angleterre et en Allemagne, afin de promouvoir nos instruments novateurs auprès de clients prestigieux et de chercheurs universitaires de grande renommée. A 25 ans, partir en voyage d’affaires avec son patron, wouaou, ça n’existait  que dans les films ! Quelle chance ! Quel honneur, aussi. Et combien de fantasmes en interne, de ragots entre ceux qui ne partaient pas, n’ont-ils pas circulé ! Cela me faisait bien rire. Mais c’est humain et ne m’a jamais atteinte. J’espère qu’il en va de même pour Michel.

A Frankfort, j’ai également aussi eu l’opportunité de tenir un stand au sein de la plus importante exposition mondiale
en matière de matériel de laboratoire en chimie. J’étais seule et je m’évertuais à me débrouiller en anglais, en allemand et en français aussi bien sûr … Quelle aventure ! Quel challenge aussi ! Mon PDG me déléguait la responsabilité de récolter le maximum de contacts internationaux. Ma vie professionnelle me souriait vraiment, j’étais heureuse, on me faisait confiance, je travaillais beaucoup mais je savais mon travail apprécié. Je me sentais reconnue.

La société avait à l’origine été créée par une poignée de copains brillants et un peu fous, au chaud dans une entreprise de technologie prestigieuse mais pour lesquels le virus entrepreneurial avait été le plus fort. Parmi ces compères se trouvait Jeannot, le frère de Michel. J’ai eu beaucoup moins de contacts opérationnels avec cet homme, qui était le responsable de la production, alors que je gérais l’ensemble de l’administratif pour Michel, le PDG. Mais Jeannot et moi, nous nous voyions au quotidien et entretenions des relations amicales, respectueuses, un peu entravées par nos timidités respectives. Je ne m’en suis pas rendue compte à l’époque ; mais avec le recul, 25 ans plus tard, je sais qu’il a énormément compté dans ma vie professionnelle, qu’il a inspiré ma posture, mes valeurs, ce que je veux et ne veux pas pour moi.

Depuis, j’ai le plus souvent évolué sur des terrains glissants, minés par des managers médiocres, des Directions à mille lieux des préoccupations du terrain, au sein d’organisations où l’on rencontre trop de souffrance et un management par la peur, stress, burnout etc. Aujourd’hui, je comprends que j’avais pressenti en quoi ce duo – Michel l’idéaliste et Jean l’humaniste – se posaient en visionnaires et me transmettraient ce regard sur l’entreprise où l’homme se sentirait bien et s’épanouirait dans son travail. Je me refuse aujourd’hui à croire que c’était de l’utopie.

Ce qui m’a toujours sidérée chez Jeannot, c’est son self-control, sa capacité à dénoncer les choses avec justesse. Un charisme paradoxalement dû je crois à son caractère réservé. Une authenticité et un courage qui lui semblaient naturels. Aujourd’hui, lorsque j’évoque la jeune femme que j’étais à l’époque, je sais que cet homme a été mon modèle parce qu’il véhiculait des valeurs, parce qu’il était impossible pour lui d’accepter la moindre compromission, parce qu’il respectait les décisions prises par Michel sans forcément y adhérer mais parce que les conséquences seraient portées par Michel et personne d’autre. Et puis il n’était pas question pour Jeannot de déroger aux règles. Il se devait d’être solidaire. J’ai tout autant admiré Jean, à la fois craint et respecté par ses équipes, que Michel, mon patron, qui assumait les coups bas, nombreux, et qui tenait à bout de bras une entreprise hautement stratégique. Michel savait prendre des risques sans  en faire état.

Et puis les années passèrent. Des choses changèrent comme la concurrence qui devenait très rude. Les normes aéronautiques de plus en plus exigeantes firent passer l’entreprise par une campagne Qualité Totale, par un appel à une cohorte de consultants qui, même si chacun détenait une part de la clé du problème, n’avait ni obligation de résultat ni exposition aux risques. Des officiers de la DST vinrent nous mettre en garde contre l’espionnage industriel, ce qui occasionna des frais supplémentaires. Et qui suscita l’incrédulité absolue de Jeannot. Je me souviens de la tête qu’il fit lorsque l’officier est venu nous raconter que peut être des gens inspirés faisaient les poubelles de la société la nuit …

Plusieurs managers furent recrutés pour tenter d’améliorer les résultats de l’organisation. Un plan social imposa à Michel de se séparer, non sans tristesse, de plusieurs collaborateurs. Dont la standardiste, qui était ma meilleure amie et qui est la marraine de mon fils. D’autres collaborateurs, forts de leur savoir-faire, probablement les meilleurs, démissionnèrent. Je sentais bien que le climat, altéré du fait de la conjoncture, de la difficulté à rester compétitif quand on est une petite structure, se détériorait peu à peu. Mais je ne voulais pas le voir, j’étais bien dans ma zone de confort, débordée de travail ce qui comme chacun le sait est une formidable moyen de rester tranquillement dans le déni.

A l’aube des années 90, trois faits marquants pour moi me forcèrent à m’interroger sur la pertinence de rester dans cette famille d’adoption. Tout d’abord, j’approchais de mes 30 ans. Je compris que je devais avancer, que la vie était courte, que je voudrais peut être avoir des enfants … et qu’il fallait sans doute faire d’autres expériences. Ensuite, un matin, une ridicule chute dans mon bureau entraîna la fracture de mes deux coudes. Le traumatologue me prescrivit 6 semaines d’arrêt que je déchirai devant lui à son grand étonnement. Indispensable, je ne l’étais certainement pas, mais ma fonction l’était (les payes ne peuvent jamais attendre surtout dans une activité de production). Enfin, cette même année, Michel et Jeannot décrochèrent un contrat qui redonna le moral à tout le personnel. Ce dernier se rassembla autour de ce projet qui était un très gros marché dont la réussite permettrait à la société, si elle livrait dans les temps, de prendre un second souffle. L’outil de production étant limité en capacité, nous avons organisé la production en roulement. Autrement dit, deux équipes se succédaient de 5 heures à 19 heures. J’ouvrais l’usine à 5 heures et il n’était pas rare que je ferme l’établissement le soir, en partant. La présence d’un « responsable » dans les murs était indispensable et je croulais sous le travail. Cela ne m’a pas coûté. Je le faisais pour que les choses avancent. Je voulais aussi contribuer au succès de cet appel d’air opportunément offert par un client.

Nous parlions souvent Michel et moi. Il qui me disait qu’il regrettait mon manque de confiance en moi, une certaine timidité que je compensais par une impulsivité mal contrôlée. Mais Michel saluait aussi mon sens des responsabilités, mon autonomie et mon esprit commercial (sur ce dernier point je pense qu’il s’est trompé ; je pense que j’ai surtout un sens du service et une empathie très développés). A cette époque, j’avais peu de contacts avec Jeannot. Celui-ci était étant débordé avec ses soucis de rentabilité et de qualité pour honorer au mieux cette commande miraculeuse.

Une campagne suivie d’élections de Délégués du Personnel s’avéra complètement stérile. Le personnel était bien traité, il n’y avait pas vraiment de sujet. L’entreprise bénéficiait d’une belle et saine paix sociale. Surtout au regard de la façon dont les choses se passent aujourd’hui …

A la fin de cette année-là, fracture des deux coudes et journées doubles, j’ai cru légitime de demander à mon patron vénéré une augmentation de salaire. Je savais que l’état des finances n’était pas bon et que c’était probablement une cause perdue. Certes, je savais qu’on travaillait tous dur, mais je savais aussi que ma rémunération n’était pas au prix du marché (ce qui est aussi une grande liberté mais c’est un autre sujet). La réponse de Michel fut sans équivoque : « je te dis comme à tout le monde que celui qui n’est pas content n’a qu’à partir. Je n’ai pas de planche à billets ». Ce fut une énorme claque, principalement parce que le message de Michel, qui ce jour-là n’était peut-être pas au meilleur de sa forme, m’est parvenu déformé : malgré le fait que je me sois beaucoup investie durant la période des deux huit, travaillant des 13 heures par jour, malgré le fait que je ne me sois pas « offert » un arrêt maladie somme toute légitime, s’agissant d’un accident du travail, dans mon esprit, puisque Michel n’accédait pas à ma demande, c’est que j’étais devenue mauvaise. Nulle. Je n’étais plus compétente, je n’étais plus à la hauteur, j’étais devenue obsolète (29 ans !). Pourtant, je tenais un indice que j’avais refusé de voir à l’époque : lors de mon entretien d’embauche, voyant que je convoitais beaucoup ce poste tel qu’il m’avait été présenté, Michel m’avait dit que si j’avais d’autres pistes, de ne surtout pas les négliger. Cela avait un peu refroidi mon enthousiasme. J’avais cru avoir fait un bon entretien mais finalement peut être ne l’intéressais-je pas autant que ça ! Michel était ainsi fait, tellement soucieux de laisser à autrui son libre-arbitre qu’il lui arrivait de se tirer une balle dans le pied. J’espère qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas. Ce n’était pas de la faiblesse ; simplement de la courtoisie. Mais je ne l’ai pas vu.

Je n’aurais jamais dû lire « Le Principe de Peter » ! Voilà une théorie qui m’a toujours desservi. Et d’ailleurs je déteste les principes.

Un mois après, je pliais bagage pour prendre un poste sans intérêt qui m’éviterait de m’investir et donc de prendre des risques pour moi, ma fragilité et ma timidité. Déçue mais aussi pleine de culpabilité de n’avoir pas « su » conserver ma place malgré mes efforts, mon engagement, mon enthousiasme. Le dernier jour arriva et fut un jour comme un autre. Seul Jeannot vint me voir et me dit avec simplicité : « Anne, je respecte votre choix, mais sachez que je regrette votre départ, professionnellement et personnellement ». Par ces quelques mots, Jeannot le timide, le réservé, un peu abrupt parfois, répara quelque chose en moi : il me fit cadeau de sa reconnaissance. J’ai compris que cette rencontre improbable de deux timidités était un moment rare. Personne n’a rien ajouté. J’aurais pu lui expliquer la situation, lui exposer la raison pour laquelle j’estimais que je n’avais d’autre choix que celui de partir. Nous nous sommes simplement longuement serré la main.

Pour moi le mystère était entier : pourquoi Michel, qui m’avait toujours soutenue, formée, façonnée, pourrait-on dire, m’avait-il laissée partir avec autant de désinvolture (feinte) ? Pourquoi alors que ma demande, portant sur un ajustement salarial, une toute première demande, a-t-elle été refusée ? Pourquoi n’ai-je rien dit, pas réagi ? Pourquoi me suis-je simplement confortée dans l’idée que j’étais nulle et que demander quelques explications m’aurait été insupportable ? Pourquoi, d’ailleurs, aurais-je été subitement nulle après 8 ans ? Pourquoi ne me suis-je pas rebellée ? Pourquoi n’ai-je pas négocié quelque chose pour moi ? Pourquoi ai-je tourné les talons sans jamais revenir sur le sujet ?

Aujourd’hui je vis des circonstances autrement différentes. Je sais que je « l’aurais ramenée ». Mais c’est le fait d’avoir dénoncé des choses qui a causé mon départ de ma dernière entreprise. Il faut croire que je n’ai pas beaucoup progressé !

Quoi qu’il en soit, le weekend qui suivit la fin de mon contrat, débutant un 1er mai, je décidai de laver tous mes pulls … à 90°C ! Michel, tu me dois 1000 euros ! Tous mes beaux cachemires, mes jolis angoras, les twin-sets en shetland … Le prix de la préoccupation et d’un sentiment d’abandon sans aucun doute.

Et puis, la vie reprit son cours ; Après quelques années sur un poste qui me permit d’apprendre la comptabilité, peu intéressant mais fort bien payé, je quittai la Province pour Paris. J’accédai au statut de Cadre en tant qu’assistante de Président, un poste où je découvris un monde nouveau, dans un très grand et réputé cabinet de conseil en stratégie (n° 4 mondial). Je gagnais en euros ce que jusque-là je gagnais en francs ou pas loin. Puis, là, j’entrepris une formation universitaire parallèlement à la tenue de mon poste pour accéder au métier de RRH et enfin de DRH. La RH dont j’avais toujours rêvé était enfin devenue mon métier, ma nouvelle identité professionnelle. J’avais 47 ans.

Les rapports entre Jeannot et moi, qui n’étaient pas hiérarchiques, n’avaient jamais été suffisamment étroits pour justifier un contact suivi avec lui après mon départ. En revanche, j’avais régulièrement des nouvelles de Michel, mon Pygmalion, pour lequel mon admiration ne s’était pas émoussée, à propos de mes différents jobs, de ma réussite universitaire et de mon évolution, de mes efforts pour me hisser jusqu’au Graal : le poste de DRH. Nous échangions également sur la vente de son entreprise, qui fut un déchirement pour les deux frères qui avaient créé de leurs mains cette belle PME à forte valeur ajoutée. Michel me tenait au courant des collaborateurs partis, de ceux qui n’étaient plus de ce monde … De Jeannot, j’avais cependant des nouvelles par son épouse puis ses filles contactées grâce aux réseaux sociaux. Et puis soudain, cette année 2013, nos rapports se sont intensifiés. Un cancer particulièrement virulent avait pris ses quartiers chez Jeannot. Cet homme qui ne se livrait jamais et qui était pétri de dignité, j’ai souhaité le revoir, lui à qui je n’avais pas parlé depuis 25 ans. Avoir la possibilité de lui révéler mon admiration, lui dire combien il avait, un peu à mon insu, pour quelques mots prononcés à mon départ, compté pour moi.

Je fis ce mois de juillet un aller-retour éclair vers le Sud de la France pour saluer Jeannot. Ce moment passé avec lui fut inoubliable. Je retrouvai un homme marqué par la maladie mais toujours aussi caustique, disert à propos des autres mais pas de lui-même, refusant de s’appesantir sur sa lutte quotidienne, transformant l’incertitude de l’issue en expérience de laboratoire sur lui-même, taisant sa souffrance au profit de la recherche de solutions… Malheureux de faire de la peine aux siens mais en paix avec lui-même. Nous avons bien ri au cours de cette après-midi qui fut chaleureuse, décontractée, joyeuse et riche en émotions. Les retrouvailles de deux anciens combattants ! Anecdotes, critiques, évocation des « bons » et des « mauvais » personnages, des coups tordus de certains, de la simili-grève de quelques irréductibles grève qui avait duré 45 minutes… Une complicité entièrement partagée, compte tenu du contexte qui nous y invitait. J’avais retrouvé Jeannot tel qu’il était 25 ans plus tôt et notre conversation reprit avec la simplicité de ceux qui se sont quittés la veille. La vie avait pour lui et moi érodé les complexes, la réserve, au profit de la nécessité d’aller à l’essentiel. Non, je ne m’étais pas trompée, Jeannot était bien le grand bonhomme dont je me souvenais, je ne l’avais pas sublimé du fait de mon jeune âge et de son mot d’adieu le dernier jour de mon premier poste. Il faisait partie de ceux qui à mes yeux sont de vrais hommes.

Au détour de la conversation,  Jeannot me fit un cadeau incroyable. A son insu, il m’a donné, après 25 ans, la clé de ce qui était resté pour moi un mystère pendant la plus grande partie de mon parcours professionnel et qui a souvent influencé, et pas forcément de la meilleure façon, mes choix. A propos de Michel, il me dit : « mon frère (il n’a pas dit Michel) est un idéaliste, il croit l’homme bon. Il n’a pas toujours eu les meilleurs réflexes pour maintenir l’entreprise en situation saine et n’a pas su s’entourer des conseils pertinents. A un moment donné, vers la fin des années 80, le credo était : « suivi et rigueur sur la masse salariale, gestion raisonnée des salaires ». Je n’étais pas d’accord avec cette stratégie, pour moi la réussite passait par plus de motivation salariale, mais c’était mon frère le patron ».

«  Celui  – qui – n’est –  pas – content  – n’a  – qu’à – partir »

Mais bien sûr ! Michel, quand j’étais venue lui demander une augmentation, s’était conformé aux préconisations de ses  onseils, à savoir de ne pas « aggraver » la situation dans un contexte d’inflation galopante (à l’époque, supérieure à 10%).

25 ans pour comprendre ce qui fut un mystère pour moi et me bloqua continuellement dans ma vie professionnelle, éclairés d’un coup ! Ce jour de juillet 2013, Jeannot m’offrit sans le savoir une seconde parole réparatrice et me permit de boucler la boucle. Son état était trop faible pour que je le lui signifie et puis à quoi bon ? Nous avions mieux à faire durant cette ultime rencontre. Qui reste dans mon cœur comme un trésor.

Jean Verrac

Jeannot s’éteignit quelques semaines après, sans savoir que grâce à lui, j’avais d’un coup retrouvé ma confiance en moi. Je savais de nouveau ce que je valais professionnellement, que j’étais capable d’assumer mes qualités comme mes défauts, mes choix, mes échecs et mes succès. Je m’étais retrouvée. Je savais de nouveau obtenir ce que je voulais et dont je savais que c’était bon pour moi. Jeannot en cinq minutes fut l’artisan qui me permit de tirer un trait sur 25 ans de doute permanent. Lui, à la lisière de l’au-delà et moi, au bord de superbes aventures professionnelles nées d’un nouveau regard sur moi, nous nous sommes longuement embrassés. Ce geste fut pour chacun de nous un adieu et un recommencement.

J’ai su par sa fille Fabienne que Jeannot s’était demandé ce qui lui valait tant de sollicitude, d’intérêt et de respect de ma part. Je regrette vraiment qu’il ne m’ait pas posé la question directement … Spontanément, je n’ai pas su le lui dire. Ni d’ailleurs et surtout expliquer le rôle réparateur qu’il avait eu une première fois 25 ans plus tôt et la deuxième fois 5 minutes avant de le quitter pour la dernière fois. Il n’est pas trop tard. Je veux croire que puisqu’il m’a rendu ma confiance en moi de son vivant, il m’accompagnera depuis l’au-delà dans la suite de mon cheminement.

C’est à Michel pour sa stratégie, son agilité intellectuelle et son charisme et à Jeannot pour ses valeurs, sa dignité et sa posture que je dois d’être la professionnelle que je suis aujourd’hui. Je ne suis plus en quête de reconnaissance ; je n’en ai plus besoin car je sais enfin ce que je vaux. Et pour commencer que j’aurais toujours dû croire en moi.

Un malentendu qui m’a fait perdre du temps mais qui aujourd’hui m’en a fait gagner bien d’avantage.

Quant à ce que je réserve à la suite de ma carrière, je continuerai à m’inspirer de mes pygmalions tout en appréciant plus encore d’avantage les nombreuses rencontres croisées sur ma route…

Je conclurai par ce que nous enseigne Sénèque :

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas,
c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».

RIP, Jean Verrac

Photo Pascal ThénaultPhoto : Pascal Thenault

6 réflexions sur “A l’origine …

  1. elisabeth dit :

    Anne,
    Que d’émotions pour moi en lisant ces lignes qui me plonge dans cet univers que j’ai si bien connu avec ces acteurs qui m’ont façonnée et à qui je dois beaucoup également pour toujours savoir lever la tête dans la dignité malgré les difficultés – Tu as tout dit – tu l’as si bien écrit – merci
    Je t’embrasse
    Elisabeth

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