Des études mettent un évidence une forte corrélation entre temps de trajet et bien être de l’individu. Ceux d’entre nous qui utilisent beaucoup les transports tendent à être moins satisfaits de leur vie ; nous avons l’impression que ce que nous faisons manque de sens ce qui, et ça se comprend, nous rend frustrés. Principalement, ceux qui prennent les transports se sentent stressés, même en l’absence de perturbations, ce qui, reconnaissons-le, devient rare en région parisienne.
Pourquoi ce stress ? Tout d’abord, l’utilisation des transports en commun tend à nous rendre nerveux, dans tous les sens du terme. Se déplacer c’est se retrouver coincé dans des encombrements, se voir confronté à des retards de bus, se trouver serré comme une sardine dans un train, devoir si l’on prend le vélo esquiver les automobilistes déjà bien stressés, quant à marcher, l’opération peut se transformer en un bizarre sprint pour peu qu’on soit en retard. Quel que soit le mode de transport, chacun devient dépendant d’autrui, façon dominos, s’énervant à la moindre faille et craignant leurs erreurs des autres qui ne manqueront pas de nous retarder. Même marcher peut devenir agaçant quand la nature s’y met en plus du reste, par exemple en invitant la pluie au scenario déjà complexe.
Ce stress se traduit par des plaintes physiques attribuées aux contraintes des déplacements. Ceux qui subissent les transports ont moins de temps pour pratiquer régulièrement de l’exercice, sauf s’ils habitent à une distance de leur travail leur permettant de s’y rendre à pied ou s’ils décident de braver à vélo les rues encombrées. Le plus souvent, l’on substitue à la saine nourriture maison des surgelés ou plats à emporter. Ceux qui empruntent les transports présentent davantage de cervicalgies et sont plus enclins à l’insomnie. Aucune de ces conséquences n’est favorable à une bonne santé mentale et toutes ont tendance à augmenter les niveaux d’angoisse de façon plus ou moins prononcée.
Il existe en outre une autre facette à ce stress : les transports ont conduit à une dégradation perceptible de l’identité, en particulier dans les zones urbaines où les transports provoquent une atomisation sociale aliénante. Les allers et retours quotidiens fragmentent nos communautés, nous isolant de la sérénité que nous pourrions puiser d’un soutien mutuel. Chacun devient une poche d’insatisfaction solitaire et oublie qu’il pourrait faire confiance au voisin pour lui demander de l’aide, des conseils, ou juste pour évacuer le trop-plein du quotidien. Que l’on soit isolés dans nos véhicules individuels, que nous subissions la subtile odeur corporelle émanant du co-voyageur de métro ou que nous fassions partie de ceux qui font chaque jour la course folle pour arriver le premier, nous prenons le risque d’oublier le sens de l’humanité partagée avec ses pairs. Se dessine nettement ici la solitude de la foule : la masse grandissante de visages tendus et épuisés se trainant vers et depuis le bureau et qui fait de nous des êtres aussi seuls que sur une ile déserte.
Paradoxalement il semblerait que pour le peu de personnes dont les temps de trajet quotidien sont supérieurs à trois heures, les niveaux de stress issus des transports disparaissent. Peut être devient-on alors résigné ou bien, les délais augmentant, se sent-on moins obligé de micro-manager les paniques de dernière minute lorsque le voyage ne se passe pas exactement comme prévu. Cette apparente contradiction peut aussi être le résultat d’une sorte d’illumination qui rapproche les voyageurs longue distance pour les installer dans une forme de camaraderie, puisqu’ils se savent unis par leur expérience commune et quelque peu hors normes.
Et donc, comment faire baisser la tension induite par les transports ? Ca peut être aussi simple que de parler à la personne d’à côté, à condition que ses écouteurs vissés sur la tête ne l’empêchent pas de vous entendre …