Onboarding

Nouveau job.

Le premier jour. Tout le monde est gentil avec vous, vous salue, vous observe l’air de rien du coin de l’œil. On vous présente votre équipe. Souriante.

Au repas on vous dit « si tu télétravailles note-le dans Outlook, que je le sache ».

Le deuxième jour. Tout le monde est gentil mais a repris son travail. Vous n’osez pas trop demander où l’on classe le dossier machin, tout le monde est affairé. Vous regardez, vous essayez de comprendre vite. Vous comptez sur votre expérience. Ce n’est pas la première fois que vous débutez dans une organisation.

Le troisième jour. Votre collaborateur vous montre, à vitesse grand V, ce qui est l’essentiel de son job. Vous savez que vous êtes censé pouvoir faire la même chose en son absence mais vous n’osez pas demander qu’on vous réexplique.

Les quatrième et cinquième jour on vous dit « tu ne devrais pas tarder à prendre tes marques, c’est toi l’experte des pays scandinaves ». Vous, vous avez l’impression de nager mais vous comprenez qu’il est recommandé de ne pas patauger trop longtemps.

La deuxième semaine : vous hasardez une question à laquelle on vous répond : « tu ne prends pas assez de notes, cette question-là tu l’as déjà posée ».

Dès la troisième semaine c’est la boule au ventre que vous partez travailler chaque jour. Le Seul moment de répit vous le trouvez le vendredi soir. Le weekend est-là. Mais dès le samedi matin vous pensez au lundi. Vous ne dormez plus beaucoup la nuit.

Vous êtes constamment déconcentrée par des interruptions multiples, des injonctions incantatoires. Vous vous demandez en permanence d’où le coup va partir.

La quatrième semaine on vous envoie deux jours à Oslo. Vous êtes cadre au forfait, vous vous levez à 4 :00 le jeudi et rentrez le vendredi soir à 21 :30, c’est normal. La veille, après le travail, vous vous êtes arrêtée chez Bricomachinchose pour acheter un adaptateur de prise. 6,90€. Impératif si vous voulez pouvoir charger votre ordinateur professionnel.

La cinquième semaine on vous appelle au bureau pour faire un point. Un feu de questions vous assaille, vous n’avez pas le temps de terminer la réponse à l’une d’elles qu’une autre fuse de nouveau. Vous avez l’impression de répondre à des devinettes. Au passage on vous rappelle que l’adaptateur, c’est bien, mais il aurait fallu demander l’autorisation en amont.

Vous demandez à télétravailler une journée, forte de ce qui vous a été dit le premier jour. On vous répond que cela fait juste un mois que vous êtes là, qu’il ne faudrait pas exagérer. C’est bien connu, télétravailler c’est se tourner impunément les pouces.

La sixième semaine l’un de vos subordonnés vous reproche de ne pas avoir laissé votre travail toutes affaires cessantes alors qu’il avait besoin d’une décision immédiate de votre part. Vous sentez qu’il met en cause votre style de management, oubliant au passage que vous lui accordez, à sa demande, une grande autonomie. Ce qui semble bien lui convenir.

La septième semaine, après tout on vous a bien expliqué qu’un des axes essentiels de votre poste c’est d’améliorer des process, vous vous lancez. Vous avez finalisé un projet qui vous semble pertinent, l’avez jeté sur un beau powerpoint, rédigé en anglais. Le projet est innovant, l’engagement financier est minime, vous avez le sentiment d’être dans l’efficience. Vous l’envoyez à votre manager. La réponse, cinq minutes après vous cloue sur place « merci mais ce n’est pas dans la culture de notre organisation ». C’est vendredi, vous rangez vos affaires. Il est 16 :00 mais vous n’avez plus d’énergie pour lancer autre chose.

La huitième semaine votre manager vous rappelle que quitter le bureau à 16 :00 n’est pas très bien vu, même un vendredi, et nécessite un accord de sa part. Oui mais je suis cadre au forfait. Oui, mais chez nous c’est comme ça.

La neuvième semaine un collaborateur avec qui vous avez passé la journée à négocier un contrat, négociation qui vous satisfait, vous reproche de ne pas l’avoir soutenu. Vous tombez des nues. Le lendemain vous n’avez plus mal au ventre : Vous jetez l’éponge.

 

Je lisais ce matin que 80,2% des contrats des moins de 34 ans sont rompus la première année[1]. A méditer. Je n’ai pas 34 ans mais … Même pas peur.

[1] Id-carrières.com