Messieurs-Dames de Pôle Emploi, excusez-moi si je travaille …

J’enseigne et je réfléchis beaucoup sur la souffrance au travail sous toutes ses formes. En ce moment je coopère de façon régulière avec la Fonction Publique Territoriale et je découvre combien ces femmes et ces hommes peuvent, comme dans le privé, davantage peut-être encore, être soumis à la pression, aux résultats, combien ils peuvent être exposés aux incivilités du public, dans un contexte où les budgets s’amenuisent de jour en jour.

Et pourtant …

Aujourd’hui je vais vous parler de la souffrance de l’usager.

Bien qu’autonome financièrement depuis un moment, je suis toujours liée à Pôle Emploi par l’entremise d’une déclaration mensuelle de mes gains. Il se trouve que le système veut qu’il faille déclarer son chiffre d’affaire (qui n’est pas son revenu) le mois où il est généré ; de même, lorsque je travaille sous CDD (c’est le cas avec la Fonction Publique, ironie du sort), ou en portage salarial, je dois déclarer mon gain au mois M.

Ceci est très compliqué. En effet, si je travaille du 25 au 30 du mois pour une entreprise, celle-ci ne me fera pas un bulletin de paye le 31. J’ai deux alternatives, j’ai testé les deux, aucune ne marche :

  • Soit je déclare la somme exacte mais le mois suivant
  • Soit je déclare une approximation le mois où j’ai travaillé.

Voulant, pour ma déclaration d’octobre, anticiper pour « bien déclarer », j’ai pris mon téléphone.

Merci pour vos réponses, mais quelle était la question ?

Etant intervenue par 2 fois sous CDD ce mois-ci et ne disposant pas encore du montant exact de ma rémunération nette, j’ai souhaité prendre conseil auprès d’un téléconseiller de Pôle Emploi. Je sais, moi, Anne van der Weide, pour travailler sur les Risques Psycho-Sociaux, que les téléconseillers de tous ordres sont extrêmement soumis à la pression et au manque de politesse de certains.

Après une attente interminable, quelqu’un prend mon appel. Je commence à expliquer ce qui m’amène, mon interlocutrice me coupe net et me dit « vous n’avez pas justifié ce que vous avez gagné en avril, en juillet et en août, c’est normal qu’on ne vous paye pas ». Je n’avais pas même terminé ma phrase. Et l’objet de mon appel n’était pas de m’enquérir du pourquoi je n’étais pas payée, ce n’était pas le propos.

Donc je m’informe : « que vous manque-t-il pour ces périodes » ? – réponse : « il faut tout déclarer, madame, et le mois où vous êtes payée, surtout pas plus tard ». Je continue : « Madame, je suis de bonne foi, je ne me suis même pas rendue compte que je n’étais pas payée, puisque je dépasse mon seuil d’éligibilité, mais que vous manque-t-il ? Il me semble que j’ai envoyé tous mes justificatifs ». Réponse : « on ne les a pas, je ne les ai pas à l’écran ». –« pourtant j’ai tout envoyé, dois-je le faire en recommandé ? » – « surtout pas ; rapprochez-vous de votre agence de votre domicile. Ils accepteront peut être de faire les modifications qui s’imposent ».

Passer une demi-journée au Pôle Emploi plutôt que chez le client, est-ce bien raisonnable ?

L’agence de mon domicile est à 45 mn de chez moi et me déplacer au Pôle Emploi représente donc une demi-journée, ce n’est donc pas idéal. Mais je n’avais toujours pas réponse à ma question : que faire pour pouvoir déclarer un revenu exact quand on n’en a pas le montant ? Quand on facture, c’est simple, mais sous contrat, le brut n’est pas le net … Je repose donc la question et mon interlocutrice me répète: « rapprochez-vous de votre centre ». Je me suis alors permis de lui demander en quoi consistait son rôle si c’était pour me renvoyer sur mon centre. A quoi elle m’a répondu que si je continuais à faire de fausses déclarations (sic) on me couperait tout,  les futurs droits et les trimestres de retraite. Que sur son ordinateur elle voyait que j’étais « en anomalie depuis avril » mais rien d’autre. Et que de toutes manières, les documents, les factures, les attestations, il fallait que j’aille les porter chaque mois car si je les envoyais, mes documents ne seraient pas traités, avec les conséquences décrites ci-dessus.

Je commence à bouillir intérieurement, mais je reste calme ; après tout on ne peut pas enseigner les RPS et oublier sa courtoisie : « Madame, vous me dites que je déclare mal, dites-moi au moins comment faire pour bien déclarer. Et puis si vous me dites que ma situation n’est pas claire chez vous depuis avril, je ne l’apprends qu’aujourd’hui, personne ne m’a prévenue ». Réponse : « ce n’est pas à nous de prévenir ».

Après un quart d’heure au téléphone je n’ai toujours pas réponse à ma question

Ah bon. Mais si je téléphone pour avoir des informations on ne me les donne pas ; je ne sais toujours pas à l’heure actuelle comment je dois m’y prendre pour déclarer en temps et en heure des sommes justes alors que moi-même je ne maîtrise pas l’information le jour J à l’instant T.

Voici un système où lorsque vous faites le maximum pour ne pas prendre d’indemnités chômage, où vous vous démenez pour travailler, on attend de vous :

  • De faire de la paperasserie complémentaire (attestation de facturation, photocopie des bulletins de salaire)
  • De prendre du temps précieux pour se rendre aux heures d’ouverture au Pôle Emploi (fermé le vendredi après-midi, merci pour l’exemple)
  • De « justifier » qu’on a bien gagné ce que l’on déclare alors que le principe de la déclaration est de justement éviter à Pôle Emploi d’avoir à verser des indemnités non dues
  • De déclarer ce qu’on a gagné avant de l’avoir réellement perçu ; ceci est encore plus absurde en facturation où entre le moment de la facture et le moment où l’argent est sur le compte il faut prévoir un mois ; le mot trésorerie n’a pas le même sens pour tout le monde …
  • De deviner que votre déclaration n’est pas recevable et de le découvrir par hasard, bien plus tard ou pourquoi pas le jour de la liquidation de ses droits pour la retraite …

François Dupuy, dans les Echos, a écrit récemment un excellent article sur la SNCF qui est bien la seule entreprise à proposer une voiture bar où il faut attendre 1H à 1H30 pour être servi et où les agents, 2 par rame de TGV, doivent bien être les seuls salariés en France à travailler 30 minutes payés 4 heures … Et moi qui trouve le moyen de bricoler des contrats, des missions, des formations pour rester indépendante et ne pas dépendre du système, moi qui travaille bien au-delà des 35H pour gagner ma vie mais aussi pour contribuer à la richesse nationale et au système de solidarité, on me « sanctionne » et comme si cela ne suffisait pas, on me refuse de me donner la clé me permettant justement d’éviter d’être sanctionnée.

Article de François Dupuy

Oui, beaucoup d’agents de la fonction publique d’Etat, Territoriale ou Hospitalière sont en souffrance. Je le sais, j’en tiens compte. Mais moi, je suis restée parfaitement calme et polie et j’estime que j’ai été pour le moins mal traitée.

Si quelqu’un en haut lieu du Pôle Emploi pouvait me dire :

  • A quoi sert le 3949 si l’on est renvoyé sur l’agence dont on dépend (horaires de bureau, horaires où je travaille)
  • Comment peut-on attendre des gens de déclarer leurs gains à l’euro près alors que matériellement ils n’en ont pas la possibilité
  • Quel est donc ce système qui auto-alimente l’incompréhension de part et d’autre et qui in fine ne donne pas envie d’être sympa au téléphone lorsqu’on vous explique que vous êtes au choix un boulet ou un escroc.

Et concernant la souffrance au travail : pour m’avoir répondu aussi mal, mon interlocutrice doit être sacrément en burnout … à aucun moment elle n’a compris l’objet de mon appel. Si vous vous reconnaissez, Madame, allez consulter. Et vite.

CQFD burnout

 

 

On n’est pas obligé de souffrir au travail …

Encore faut-il avoir l’a-propos de connaître « sa » ligne de flottaison …

Gore a supprimé les dirigeants …

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Photo Pascal Thénault

La souffrance au travail dans la fonction publique

J’ai le privilège d’intervenir auprès de préventeurs et de responsables de la sécurité et santé au travail au sein de la fonction publique territoriale.

Une difficulté majeure à laquelle ces gens de bonne foi, qui font l’effort de se former alors qu’ils sont très pris professionnellement, désireux de faire quelque chose pour les situations compliquées de leurs collègues, réside dans le fait que la souffrance au travail est souvent traitée sinon par le mépris du moins par le déni de la hiérarchie ou de certains Elus. Résultat, tous préventeurs qu’ils sont, ils ne peuvent malheureusement pas aller très loin dans leurs efforts d’améliorer une situation, qu’elle soit  : à risque, dégradée, dramatique, irréversible …

Pour prévenir les RPS et la souffrance au travail, l’usure professionnelle, il faut que cela vienne « d’en haut ». Ce n’est pas toujours le cas dans le privé, je me rends compte que dans le public, au motif que les personnes ont la sécurité de l’emploi tout peut être permis.

Non, je ne suis pas d’accord. Le service public est porteur de valeurs, du service à autrui, d’une certaine solidarité, et il n’est pas possible d’accepter que ces personnes puissent souffrir, tomber en dépression, mourir de leur travail.

Il y a probablement un manque de formation : chez les dirigeants, chez les hiérarchiques, les managers. Mais il n’est plus possible d’ignorer cette réalité : la prétendue sécurité de l’emploi se paie fort cher …

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Un peu de promo …

La revue Cadres et Dirigeants Magazine publie régulièrement des articles sur des sujets en lien avec le travail, le management, le coaching et autres sujets professionnels d’actualité. Il m’arrive d’y écrire quelques lignes. Voici quelques thématiques abordées :

Photo : Boris Imbert, Marenzi

Photo : Boris Imbert, Marenzi

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Pour vivre longtemps, travaillez plus!

N’hésitez pas à y faire un tour, toujours de bonnes idées, bonnes pratiques et astuces intelligentes à y piocher … quelle que soit votre situation : en poste, en veille active, en recherche, en freelance comme moi.

C’est ici : https://www.cadre-dirigeant-magazine.com/