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Nouvelle loi sur la Formation : premier bilan du Sycfi

http://www.consultant-formateur-independant.org/libre-acces/actualites/le-sycfi-appelle-les-organismes-de-formation-au-respect-mutuel-et-a-la-cooperation/

 

Imaginons un instant que vous annonciez à votre carreleur, en cours de chantier, que vous le paierez finalement 30% de moins pour le reste du travail, par rapport au prix convenu… mais quel professionnel accepterait cela ?

Brèves de cours …

Vous le savez sans doute, j’enseigne en bac+4 et bac+5 en RH, en management et autres petites choses, dans diverses écoles spécialisées sur la place de Paris à de jeunes alternants.

Je me rends compte que je vieillis à la lumière du vocabulaire que j’utilise et qui n’est pas toujours compris. Quelques exemples :

– les vendanges (que j’ai retrouvées sous forme de « vidange » dans une copie)
– infinitésimal (oui, en même temps, faut pas trop pousser non plus)
– canevas (« ah, Madame, vous voulez dire une trame »)
– aléatoire (je parlais de rémunération et en particulier du variable collectif de type participation et intéressement)

Je constate, aussi, que lorsque je demande une définition, on me répond systématiquement par un exemple. Ainsi, si je m’enquiers de ce que veut dire « avantages en nature » on me répond « véhicule de fonction » ou, pire encore, « tickets restaurant ».

J’ai appris qu’une règle de trois s’appelle désormais un produit en croix. Ce n’est pas pour autant que tout le monde sache en faire une (un). Je suis en train d’apprendre une autre langue mais surtout je me rends compte que la langue s’appauvrit.

Que faut-il faire ? Continuer à manipuler des concepts (tout juste) au risque d’être incomprise ? Ou accepter de niveler par le bas ? Trop rester dans un choix de mots précis mais le plus pertinent possible entraîne systématiquement le désintérêt d’un bon tiers de mes élèves, ils décrochent. Deux sur trois ont un ordinateur, une tablette ou un smartphone, la tentation est donc grande de se détourner de ce que je peux dire en classe.

J’espère qu’ils savent ce que c’est qu’une orchidée …

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Ce qui marche : dire « attention, ça pourrait tomber au partiel ». Est-ce ainsi que l’on motive les professionnels de demain ?

Le cadre et l’alternant

A priori pas tellement de points communs. Et pourtant. L’alternant, que j’ai en cours de RH et/ou de paie, (en Master I ou II) m’explique que pour réussir il « faut » être cadre. Et que pour être cadre il « faut » faire des heures. Qu’un cadre c’est quelqu’un qui est au forfait et donc qu’il peut travailler 15 heures d’affilée si nécessaire. Qu’un alternant, s’il veut réussir, réussir à être cadre, s’entend, doit être visible le soir après 19H.

Affligeant.

N’est pas au forfait qui veut. Un salarié autonome peut très bien être au forfait sans être cadre. Un cadre qui (par définition) a une équipe ou dépend d’un process, n’est pas autonome (et ne peut pas l’être). Il n’a pas tellement de raisons d’être au forfait et d’ailleurs certaines conventions collectives codifient très précisément les niveaux à partir desquels le forfait est susceptible d’être utilisé. Il n’est pas non plus écrit dans le code du travail ou ailleurs qu’être cadre prive l’individu de l’accès à des horaires décents.

Pourtant quand j’engage la conversation avec mes élèves, ils relaient tous le même discours : il faut travailler beaucoup et tard pour être visible et être remarqué. La promotion par la sortie de bureau tardive.

Réflexe typiquement français qui confond longues heures et efficacité et je ne parle même pas d’efficience. En Allemagne, aux Pays-Bas, les pères et mères de famille ont leurs soirées. Que je sache, leur niveau de vie ne s’en porte pas plus mal. Le temps partiel s’y pratique sans complexe sans pour autant entraver la progression de carrière en aucune façon.

Quel est donc ce préjugé qui veut que pour faire carrière il faille travailler (ou faire de la présence) au-delà du légal, alors que de chaque côté de la pyramide des âges, les juniors ont du mal à entrer et les séniors ont du mal à rester ? Comment en sommes-nous arrivés à faire tenir un modèle économique qui fonctionne alors que les salariés travaillent bien au-delà de l’horaire légal ? Comment peut-on accepter que l’organisation s’échafaude sur une seule tranche de salariés, de 28 à 45 ans ?

Je lisais récemment le mémoire de fin de Master I d’une jeune femme qui parle d' »emploi » pour désigner la condition de stagiaire ; et qui explique que la société où elle a effectué son stage compte plus de stagiaires que de permanents. Comment dans ces conditions peut-on espérer progresser, créer de la valeur et surtout financer toutes ces caisses à bout de souffle, au détriment de toute protection sociale ?

Je n’ai pas la réponse ; je continue à demander à mes élèves de cesser de relayer ce diktat de la semaine à 55 heures pour réussir. Mais ils me répondent que pour eux c’est la seule voie pour trouver un emploi et accéder à ce (pour eux encore) mythique statut de cadre. Et où est la place de la performance, dans tout ça ?

DSC_0049Les vaches de Panurge … Photo Pascal Thénault